Scénariste

Barbara Cardin

Scénariste

Toulouse

john - Les Autodidactes

Après un passage à l’université qu’elle ne termine pas, Barbara Cardin choisit finalement le chemin de l’auto-apprentissage. Bande dessinées, pièces de théâtre ou scénarii de fiction, sa passion pour l’écriture est débordante. Barbara a publié des romans en auto-édition, et écrit actuellement pour le cinéma et la télévision.
Elle nous raconte son parcours.

Hello Barbara. Tu es scénariste et écrivain public, pourrais tu te présenter ? Quel est ton parcours ?

Bonjour. J’ai commencé mon parcours en tant qu’écrivain public en faisant de la rédaction et de la correction. J’ai fait différentes missions comme par exemple la correction de mémoires d’étudiants, l’écriture de romans familiaux, d’articles sur le net, etc … Puis j’ai écrit une BD et deux romans que j’ai essayé de faire éditer sans succès. La rudesse du parcours administratif m’a rapidement découragée et m’a poussée à poursuivre mon chemin seule, en publiant librement mes livres sur le net. Pendant un temps j’ai écrit pour une troupe de théâtre de rue amateur, ces gens m’ont énormément appris, notamment sur l’importance de l’improvisation dans un projet collectif. Puis, je me suis tournée vers le cinéma, d’abord en aidant sur des tournages, puis en faisant du script doctoring. J’ai tenté de réaliser mon propre film, si ça n’a pas été concluant, ça m’a fait comprendre que ma place était à l’écriture et ça a été très bénéfique. J’ai intégré une société de production internationale (Triality productions) en tant que scénariste et j’ai gravi quelques échelons pour devenir directrice de plusieurs équipes d’auteurs dans 11 pays. Si ça m’a permis de rencontrer énormément d’auteurs géniaux, j’ai aussi vu mes limites en tant que manager, un role qui m’a trop éloignée de ma passion pour l’écriture. Ayant toujours été indépendante, j’ai apprécié cette expérience en entreprise mais après 3 ans, je choisis de retourner à l’autonomie. Après avoir vu le côté « commercial » de la médaille, je préfère me reconvertir (dans la psychologie) pour avoir un travail qui assure un salaire correct et poursuivre mes aventures d’auteur en bénévole, afin d’être libre d’aller où je veux sans les contraintes inhérentes au marché du travail.

À quel niveau d’études t’es tu arrêtée ? Qu’est ce qui t’a poussée à être autodidacte dans le cinéma ?

J’ai un parcours étudiant un peu chaotique! J’ai un bac L, j’ai d’abord fait une prépa en communication visuelle, mais la suite des études étaient trop chère pour moi alors j’ai opté pour la fac où j’ai passé un DEUG d’arts plastiques. J’ai ensuite passé un DEUG de sociologie en essayant de me convaincre que ma passion de l’art ne devait pas prendre le pas sur la construction d’une carrière qui m’assurerait un avenir correct. Mais après mon DEUG j’ai quand même tenté la fac de cinéma, sans aller jusqu’au diplôme parce que j’ai eu la sensation que ça ne me mènerait pas vers un emploi concret. Après 10 ans à essayer de gagner ma vie en tant qu’auteur, j’ai repris des études en psychologie de la famille pour avoir un diplôme solide. Ce qui m’a poussée à être autodidacte c’est surement le prix exorbitant des études de cinéma en école et la nécessité de les faire à Paris (ou dans une grande capitale), ce qui entraine des frais supplémentaires importants. En me construisant mon expérience sur le terrain, j’ai ensuite compris qu’il y avait un fossé énorme entre les diplômés d’écoles et les autodidactes, j’ai constaté avec joie que je me trouvais du « plus joli » coté du fossé, du côté où les fleurs poussent plus vite et plus librement!

Quels sont, selon toi, les aspects positifs et négatifs à ne pas avoir fait d’école de cinéma ?

Eh bien, l’aspect négatif c’est évidemment la difficulté à faire ses premiers pas dans un monde plutôt fermé sans avoir un support tel qu’une école pour nous aider à se construire un réseau de contacts, ou à acquérir la maitrise d’un matériel exigeant. J’imagine que se construire son expérience dans un cadre strict, avec des professionnels enseignants, doit être rassurant. Mais je crois aussi que ce type de confort n’est pas propice à la création. J’ai remarqué que ceux qui sortent des écoles sont déjà assez « formatés », on leur a enseigné des barrières en même temps que des compétences, souvent je remarque que ça a amputé leur imagination. En tout cas j’ai constaté qu’il est plus difficile d’entrainer des diplômés vers des projets hors cadre, ils ont une meilleure confiance dans leurs compétences mais parallèlement ils sont moins à l’aise dans l’innovation ou l’expérimentation. A l’inverse, ceux qui se sont construits seuls ont de meilleures capacités d’adaptation et d’improvisation, ils sont plus ouverts quand aux différentes manières de travailler . Et même si les autodidactes manquent souvent de confiance en eux, les connaissances pratiques qui leur font défaut sont faciles à acquérir pour celui qui est passionné et motivé.

Par rapport à ceux qui sont sortis de grandes écoles, est-ce que tu t’es sentie en décalage, à un moment donné de ta vie, ou, au contraire, pas du tout ?

En énorme décalage, en effet!!! Je me souviens avoir participé à des soirées de rencontres entre professionnels du cinéma où j’étais très mal à l’aise car la première question posée était toujours: « quelle école t’as fait? ». Je ressentais un certain mépris de la part de ceux qui étaient diplômés et donc « certifiés cinéastes », avec le recul je me demande si ce mépris était réel ou simplement dû à un manque de confiance de ma part. Quoi qu’il en soit, je me répète, je crois qu’il y a un très grand fossé entre les autodidactes et ceux qui sortent d’écoles, pas seulement un fossé professionnel, mais avant tout un fossé social (dû au tarif élevé des études qui entraine une sélection sociale évidente). Ce décalage social fait aussi que nous ne nous intéressons pas toujours aux mêmes sujets selon notre parcours.

Y a-t-il eu un événement marquant / un déclic / l’aide d’une personne (…), qui t’a permis de te lancer dans ce que tu fais aujourd’hui ?

Quand j’ai commencé ma première expérience de réalisatrice, Sorin Dragoi m’a offert son aide avec une infinie bienveillance. C’est un très bon chef opérateur roumain qui enseigne le cinéma en Allemagne et a travaillé dans beaucoup de pays différents. J’étais une débutante et il a partagé avec moi ses 30 ans d’expérience sans rien demander en retour. C’est lui qui m’a convaincue que j’étais douée dans l’écriture et que je ne devais pas lâcher. Il m’a aussi appris le plaisir que l’on trouve quand on travaille sans considérer l’aspect financier, en tant que bénévole parce qu’un projet nous plait. En ça, il a énormément influencé ma vie.

En tant qu’autodidacte, est-ce que tu as déjà eu la sensation de t’être lancée dans quelque chose de vertigineux/ambitieux, justement, pour pallier au manque de diplômes ?

Non, au contraire, je crois que j’ai toujours « diminué » volontairement l’envergure de mes projets par peur de l’échec. Quoi que... grace au manque de moyens qui accompagne l’indépendance, j’ai appris à déplacer quelques montagnes, à faire des films sans argent, à pallier les difficultés matérielles par le bon sens et la débrouille. Après tout, troquer du matériel de tournage en échange d’une mission comptable dans une société de location, retaper un bâtiment pour avoir le droit d’y tourner un court, construire un décor en « made in Emmaüs », tout ça peut être considéré comme des choses « vertigineuses » …

Est-ce qu’il y a quelque chose que tu n’as pas pu faire à cause du manque de diplômes ?

Non, pas que je m’en souvienne. Si ça m’a handicapée c’est uniquement pour pouvoir prétendre à un salaire digne de ce nom.

Enfant ou adolescente, étais tu déjà attirée par le métier que tu exerces maintenant ? Penses tu que ce que tu as vécu dans ton enfance-adolescence t’a aidé à avoir ensuite un parcours atypique, sans diplômes, ou pas du tout ?

Mes parents ont une vidéo de moi à 5 ans où je déclare vouloir devenir Marcel Pagnol quand je serai grande! :) ça prouve que déjà très jeune j’avais un amour partagé pour la littérature et le cinéma. Mes parents n’avaient pas beaucoup d’argent et étaient totalement paniqués à l’idée que je veuille faire un métier artistique, ils ont tout fait pour me forcer la main et m’orienter vers un métier sûr. Et je crois que ça m’a beaucoup influencée en sens inverse, ça a fait naitre en moi un besoin d’aller contre les évidences, d’être indépendante et libre de mes choix.

À l’école, est-ce que tu t’es sentie bien conseillée en terme d’orientation d’études ?

Absolument pas! J’avais de bonnes notes à l’école et je n’ai donc jamais eu droit à des discussions au sujet de mon orientation, pour les professeurs autant que pour la conseillère ou mes parents, mes bons résultats m’obligeaient à faire des études prestigieuses vers un métier de « valeur sure ».

Pour toi, comment sont vus les autodidactes en France ?

Les autodidactes, en France ou ailleurs, sont vus d’un oeil ambigu... même si on cultive une certaine admiration pour les « self made (wo)men » elle ne vaut qu’à condition qu’un autodidacte passe la barrière financière. Un autodidacte aura beau fournir un énorme travail pour monter un projet de valeur, si le projet n’est pas rentable, ses efforts ne seront pas pris en compte. Et il y a évidemment l’étiquette du marginal qui n’est pas toujours facile à porter, en France on a une vision très surfaite de l’artiste autoproclamé, qui vit dans son monde, qui n’a pas conscience des réalités etc … C’est un cliché qui n’est pas très valorisant!

Un mot de la fin ?

Ce que mon parcours autodidacte m’a apporté avant tout, c’est de pouvoir constater que le monde est rempli de gens qui ont des idées géniales, des compétences extra ordinaires, mais qui manquent de moyens pour se réaliser pleinement. Si l’on sort du circuit compétitif, on se rend compte qu’en unissant nos petits moyens ont peut réaliser de grandes choses. Le fait que j’ai eu du mal à gagner ma vie avec ma passion m’a appris à voir les deux chemins, celui qui mène à une profession et celui qui mène à une passion. En testant les deux j’ai pu choisir le chemin qui me correspondait le mieux. Je ne suis pas sûre que des gens formés en école, dans un cadre plus strict, aient eu l’opportunité de se poser ce genre de questions. Aujourd’hui je fais avant tout du bénévolat et ça me permet de travailler sur pleins de projets différents, de dire « oui » plus facilement car je m’enlève une contrainte très exigeante. C’est un bonheur et un privilège de rencontrer autant de gens super motivés qui, en partant de rien et en unissant leurs imaginaires et leurs espoirs, arrivent à construire des choses magnifiques.