Louisa Amara
Social media manager
Paris
Louisa a toujours aimé écrire et ce, depuis son plus jeune âge. Après des études de cinéma et d’anglais elle travaille comme pigiste dans la presse web indépendante. Mais c’est sur le terrain qu’elle apprend son métier de social media manager. Retour sur son parcours.
Salut Louisa, tu es social media manager après avoir fait des études de cinéma, d’anglais et de communication. Pourrais-tu te présenter ? Quel est ton parcours ?
Un journaliste m'a dit quand j'étais encore étudiante : "Tu veux faire trop de choses à la fois, je ne comprends pas ton CV, concentre toi, choisis une seule voie." J'ai décidé d'ignorer ce conseil. Grand bien m'en a fait car je suis aujourd'hui social media manager, pigiste, blogueuse, bientôt podcasteuse, future biographe de Gilles Lellouche… J’ai toujours su que je voulais écrire. Ma mère lisait beaucoup de magazines, ça m’a marquée, enfant. « Ok, il y a des gens qui sont payés pour écrire des articles culturels, interviewer des artistes. Je veux faire ça. » Le magazine Première indiquait que la filière recommandée pour devenir critique de cinéma, était « Arts du spectacle mention cinéma ». Ils auraient dû être plus honnêtes et préciser que les rédactions étaient remplies (et le sont toujours) de personnes qui n’ont fait aucune étude de cinéma, n’ont aucune légitimité à parler de ce sujet, si ce n’est leur passion et surtout leurs pistons. La presse ciné est la plus encline à cultiver l’entre soi, le sexisme, le manque de diversité sociale et ethnico-culturelle. En très grande majorité, les journalistes ciné et culture en générale sont des hommes blancs issus de familles bourgeoises (CSP+). J’ai quand même tenté ma chance. J’ai trouvé des stages, des piges, mais jamais de contrats même précaires. C’est un milieu où il y a trop de candidat.e.s par rapport au nombre de postes. C’est un métier de pistons, de réseaux. Après 5 ans de cette vie de schizophrène : pigiste + conseillère clients à temps partiel + intérimaire, je suis passée de l’autre côté du miroir en travaillant au service de presse d’une grande entreprise.
Enfant ou adolescente, étais tu déjà attirée par le métier que tu exerces maintenant ? Penses-tu que ce que tu as vécu dans ton enfance-adolescence t’a incité à poursuivre des études, ou pas du tout ?
J’ai 39 ans. Je suis d’une génération qui a grandi sans téléphone portable ni internet. C’est arrivé quand j’avais déjà 17 ou 18 ans. Mon métier de social media manager est lié aux réseaux sociaux, dont l’essor en France, ne date que de 2008 (j’avais alors 28 ans). J’ai vu mon père, ouvrier, être confronté au chômage alors que j’avais 13 ans. Il avait 52 ans. Les années 90, la crise… On était 6 enfants. On nous a répété à quel point il était primordial de faire des études pour espérer s’en sortir. Mes grands frères ayant fait d’autres choix. De mon côté, c’était une évidence. Je voulais réaliser mon rêve, et ça devait passer par une formation universitaire.
Quels sont, selon toi, les aspects positifs et négatifs à avoir fait des études en cinéma, anglais et communication ?
J’ai aimé faire une fac artistique, dédiée au cinéma. C’était passionnant la plupart du temps. J’ai appris beaucoup de choses, j’ai pratiqué la réalisation, le scénario, le montage etc. C’est aussi l’endroit où j’ai rencontré l’homme qui a partagé ma vie pendant 13 ans. Et je m’y suis fait d’autres ami.e.s que je revois toujours. J’aimais la langue anglaise et je devais absolument avoir un diplôme certifiant de mon niveau. J’utilise quotidiennement cette langue dans mon travail. Enfin, la communication est le pendant du journalisme. L’un ne va pas sans l’autre. Je ne vois pas d’aspects négatifs à avoir fait des études dans ces domaines.
Quelle a été l'importance de tes diplômes dans ton parcours ? Est-ce qu'il y a des choses que tu n'aurais pas pu faire sans tes diplômes ?
Sans mon diplôme en études de cinéma, je n’aurais jamais décroché mes premiers stages dans la presse web ciné, puis mes premières piges. Je n’avais aucun réseau. Sans mon diplôme d’anglais, je n’aurais peut-être pas décroché certains postes et certaines missions. On vit en France, le pays, qui, à tort, valorise plus les diplômes que l’expérience et les tests empiriques en entretiens. Quant au diplôme en communication au CFPJ, il m’a permis d’attester officiellement de mes connaissances et d’acquérir de nouvelles compétences. La France est aussi un pays de « corps », de grandes écoles, etc. Cela m’a ouvert des portes pour certains postes et missions. C’est un tout. J’ai un parcours atypique, avec quelques atouts.
On peut avoir fait une école, mais quand même se sentir autodidacte en apprenant sur le terrain en dehors de l’enseignement, Est-ce que ça a été ton cas ?
Bien sûr ! J’ai appris l’art de l’interview sur le terrain, durant mes stages, puis mes piges. De même pour les réseaux sociaux, j’ai d’abord appris seule, en observant, en pratiquant à titre personnel, puis professionnel. J’ai ensuite fait des formations certifiantes pour confirmer mes acquis.
Au final si c'était à refaire, est ce que tu referais le même parcours scolaire ? Ou t’arrêterais-tu plus tôt dans tes études pour directement apprendre sur le terrain ?
Je suis allée jusqu’à la maîtrise (master 1), je n’ai jamais fini mon mémoire, donc officiellement je n’ai qu’un Bac+3. Si c’était à refaire, je retenterais le CELSA, en faisant peut-être une prépa, dont j’ignorais totalement l’existence. Mais non, étant donné le contexte économique de l’époque, qui est encore pire aujourd’hui, il aurait été contre-productif de tenter directement le terrain. Dans le journalisme, sans pistons, sans études donc sans convention de stage, c’est impossible. Je vous mets au défi de trouver une seule personne en France qui ait réussi cet exploit.
Pour toi, comment sont vus les autodidactes aujourd'hui en France ?
Dans le domaine artistique et l’artisanat, ils/elles sont plutôt bien vu.s et même mis.es en valeur. Il y a aussi l’effet « start-up » où de jeunes entrepreneur.e.s se lancent dès le lycée ou la fac, avec le soutien de la société. Il y a même un statut d’étudiant.e entrepreneur.e. Dans d’autres secteurs en revanche, les recruteurs.ses sont beaucoup moins ouvert.e.s d’esprit. Les profils atypiques ont du mal à percer, bien qu’ils aient très bonne presse actuellement. Il faut convaincre, passer par la fenêtre. Contacter quelqu’un qu’on connait dans la boite etc.
Rencontres tu souvent des social media manager autodidactes qui ne sont pas passés par la case école ? Ou au contraire, croises-tu plus souvent des gens qui sont passés par des écoles ?
Tous mes confrères/consoeurs de ma génération sont dans le même cas de figure que moi. Les réseaux sociaux n’existaient pas lorsqu’ils ont commencé leurs études puis vie professionnelle. Ils ont donc appris sur le tas. Les seuls qui ont fait des études dédiées de communication n’avaient pas encore d’option « réseaux sociaux ». Ou alors ils et elles sont plus jeunes.
Est ce que tu trouves qu'il y a suffisamment de représentation d'autodidactes dans les Institutions et les entreprises aujourd’hui ? Et dans les banques et assurances ?
Non. Très clairement. Quand ça s’ouvre un peu, c’est lié uniquement à l’initiative d’un.e manager qui veut sortir de l’entre-soi. J’ai eu de la chance, je suis tombée sur des personnes de ce type dans mes derniers postes. J’espère que ça se développera par la suite. Je vais tout faire pour, à mon niveau en tout cas.
Un mot de la fin ?
Je voudrais parler de l’association Article 1 qui œuvre pour l’égalité des chances. A nous, transfuges de classe, et aussi les personnes « bien nées » d’aider les jeunes issus de milieux populaires, à développer tout leur potentiel. On peut tous et toutes agir.