Julien Le Youdec
Vidéaste
Izon
Julien Le Youdec a commencé par des études en sciences du langage et en anthropologie, pour finalement apprendre le métier de vidéaste en autodidacte. Il ne pensait pas pouvoir accéder à ce milieu si inaccessible à ses yeux, et pourtant cela fait 10 ans qu’il vit de son activité en tant qu’indépendant. Retour sur le parcours d’un autodidacte passionné.
Hello Julien, tu exerces le métier de vidéaste, ce qui t’amène à réaliser, assurer le cadre et le montage de films. En plus de ton activité, tu es formateur. On te laisse te présenter ? Quel est ton parcours ?
Je viens d’un tout petit village de campagne, magnifiquement perdu au milieu des vignes. J’en retire beaucoup de poésie et une certaine sensibilité artistique, il me semble. Du coup, mon arrivée sur Bordeaux à la Fac a aussi été synonyme pour moi d’un accès décuplé à la culture, au spectacle, au cinéma, et constitue le déclencheur de nouvelles envies. Je ne savais pas trop ce que je voulais faire de ma vie. Pas par manque d’idées, au contraire: j’avais tendance à vouloir aller dans toutes les directions en même temps ! Après avoir testé plein de choses, et pratiqué d’abord la vidéo comme un loisir, j’ai réalisé que je pouvais en faire mon métier. J’ai donc décidé de pousser plus loin l’apprentissage par moi-même... J’ai créé mon activité, et modelé ce métier dont je vis depuis 10 ans maintenant. Depuis quelques années, je suis aussi formateur sur des ateliers d’initiation à la vidéo et intervenant pour des étudiants, sur l’écriture, le tournage et la post-production vidéo.
À quel niveau d’études t’es tu arrêté ? Qu’est ce qui t’a poussé à être autodidacte dans l’audiovisuel ?
J’ai deux Bac+3 et un cursus sinueux ! Bac L, DEUG Sciences du Langage, puis Licence d’Anthropologie... Des contenus enrichissants mais qui ne me conduisaient pas à un métier! À 27 ans, j’ai pris conscience que j’avais envie de travailler dans l’audiovisuel, mais je ne voulais pas me relancer dans 2 à 3 ans d’études… J’ai intégré une Licence Pro « Ressources Documentaires et Bases de données, option Image et Son ». Ni scénario, ni caméra, ni montage au programme, mais la perspective de travailler en archives audiovisuelles me séduisait. Je l’ai d’ailleurs fait par la suite (INA Paris, etc.). Pour conclure cette Licence, j’ai effectué un stage au cours duquel j’ai rencontré de nombreux réalisateurs et régisseurs de films… et « bifurqué » une fois de plus, pour aller travailler comme régisseur sur des tournages (Longs et court-métrages, séries, pubs) ! J’ai été séduit par ce milieu, j’ai énormément appris en observant, et ça m’a donné envie de fabriquer mes propres films. Mais encore une fois, il n’était pas question pour moi de reprendre un cursus de plusieurs années... Alors j’ai commencé à filmer un peu tout ce qui me passait par la tête, puis je me suis posé un beau jour devant un logiciel de montage… et je n’ai plus jamais décroché ! J’ai commencé à apprendre comme ça, et j’apprends encore tous les jours !
Quels sont, selon toi, les aspects positifs et négatifs à ne pas avoir fait de formations aux métiers de l’audiovisuel ?
Être autodidacte te permet de ne pas être formaté par une école, un prof ou un courant de pensée, et d’apprendre à ton rythme. Ce que tu apprends par toi-même et ce que tu retiens forgent vraiment ta personnalité pro, ta singularité, ta « patte » (en toute humilité). En revanche, le revers de la médaille en ce qui me concerne, c’est clairement d’avoir un manque de technique pure, notamment autour de l’image vidéo, et une maîtrise plus approfondie des caméras. Le processus d’assimilation a été beaucoup plus long pour moi - je pense - que si j’étais passé par une école ou une formation pro.
Par rapport à ceux qui sont sortis de grandes écoles, est ce que tu t’es senti en décalage, à un moment donné de ta vie, ou, au contraire, pas du tout ?
Oui, souvent ! Lorsque je suis en prestation, je me demande parfois comment je ferais tel ou tel truc si j’avais appris dans une de ces écoles, et puis ça passe. Je me dis que finalement c’est le résultat qui compte, et que tant qu’on me fait confiance, je suis légitime à faire ce que je fais ! Mais je pense que ce décalage tient plus à ma personnalité qu’au fait que je sois autodidacte. J’assiste parfois à des débats sur internet par exemple, à propos de telle ou telle caméra, de tel accessoire ou de telle technique… qui me dépassent complètement!! Mais ça te pousse à aller chercher des infos par toi-même justement, à te tenir informé des tendances sur le plan technique et artistique. Et puis la vidéo n’est pas que de la technique, heureusement... Il y a une grosse part de sensibilité personnelle, de poésie et d’émotion. Et ça, ça ne s’apprend pas forcément dans les grandes écoles !
Y a-t-il eu un événement marquant / un déclic / l’aide d’une personne (…), qui t’a permis de te lancer dans ce que tu fais aujourd’hui ?
À 27 ans donc, après 4 années de petits boulots et de pérégrinations, j’ai fait un bilan d’orientation. Et lors de ce travail introspectif assez important, je dois dire que ma conseillère de l’époque m’a énormément épaulé ! J’ai pris conscience que j’avais toujours eu envie de travailler dans l’audiovisuel (c’était aussi vague que ça, à l’époque)… L’étincelle était donc très personnelle, mais cette conseillère a su m’orienter finalement vers la Licence Pro qui m’a mise indirectement sur la voie de mon métier actuel.
En tant qu’autodidacte, est ce que tu as déjà eu la sensation de t’être lancé dans quelque chose de vertigineux/ambitieux, justement, pour pallier au manque de diplômes ?
Oui, ça m’est déjà arrivé plusieurs fois de me sentir comme au pied d’une montagne !… Je me sentais derrière les autres parce que je ne sortais pas du cursus habituel (Mais y’en a-t-il vraiment un, finalement ?). Et puis j’ai vu la confiance qu’on me faisait, les projets de plus en plus importants qu’on me proposait… alors j’ai pris le taureau par les cornes et je me suis relancé !
Est-ce qu’il y a quelque chose que tu n’as pas pu faire à cause du manque de diplômes ?
Franchement, je ne crois pas ! Et lors des nombreux entretiens que j’ai pu passer pour différents boulots, j’ai constaté que l’expérience et la motivation étaient (au moins) aussi importantes que les diplômes pour la plupart des employeurs.
Enfant ou adolescent, étais tu déjà attiré par le métier que tu exerces maintenant ? Penses-tu que ce que tu as vécu dans ton enfance-adolescence t’a aidé à avoir ensuite un parcours atypique, sans diplômes, ou pas du tout ?
J’ai toujours fonctionné comme ça, à l’instinct, sans trop avoir peur de l’avenir... Ca vient certainement de l’environnement dans lequel j’ai grandi. Mes parents n’étaient pas des hippies, mais pas loin ! Ils m’ont toujours fait confiance et laissé expérimenter toutes sortes de choses, pour le meilleur et pour le pire ;) ! Je n’ai jamais eu peur de changer de voie et d’aller creuser ailleurs par moi-même. Depuis longtemps, j’étais attiré par les métiers du cinéma ou de la vidéo. Mais j’imaginais cet univers complètement inaccessible, d’autant plus sans études supérieures dans ce domaine. Pour moi, naïvement, il y avait Spielberg et ses collègues, et rien en-dessous ;). C’est l’expérimentation personnelle de cette chose nouvelle, qui était de construire un film à l’aide de rushs que j’avais tournés, de m’essayer au montage, d’apprécier l’impact que pouvait avoir la musique associée aux images, et le bonheur que j’en ai ressenti après-coup, qui m’ont fait me dire : « Yeehaaahh ! Je veux bien faire ça, comme métier ! »
À l’école, est-ce que tu t’es senti bien conseillé en terme d’orientation d’études ?
Je pense que les conseillers d’orientation font ce qu’ils peuvent... Moi j’étais paumé de toute façon, et personne ne pouvait savoir à ma place où je voulais aller ! Je crois que c’est compliqué de savoir quel métier tu vas exercer quand tu as 16 ou 18 ans. Quelque part, j’envie ceux qui ont trouvé leur voie dès la fin de l’adolescence et qui s’y sont lancés. Reste à savoir si cette voie leur convient toujours aujourd’hui ! Personnellement, il m’a fallu d’abord profiter de ma jeunesse, puis me forger un peu professionnellement, avant d’envisager la suite.
Pour toi, comment sont vus les autodidactes en France ?
De mieux en mieux, j’ai l’impression ! En tout cas, la démarche autodidacte est plus valorisée qu’avant (votre site en est la preuve !).
Un mot de la fin ?
Pour moi, le maître-mot est l’ouverture, la curiosité. J’essaie de cultiver l’éclectisme, d’aller piocher des influences et des idées dans de nombreux domaines, et de les mélanger pour voir ce qui peut en découler ! Depuis fin septembre 2019, je donne des cours de montage vidéo pour des étudiants. Pour moi qui n’avais que des adultes en formations courtes jusqu’à présent, c’est encore une nouvelle aventure. Et je trouve ça amusant de me dire que je suis maintenant « M. le Professeur » et que j’enseigne des choses que j’ai apprises en grande partie par moi-même !