Plasticienne

Betty Mariani

Plasticienne

Malakoff

Betty Mariani - Les Autodidactes

Betty Mariani dessine et peint depuis son plus jeune âge. Elle commence une fac de psychologie, qu’elle ne finit pas, elle préfère aller dans les musées et se nourrir de documentaires d’artistes comme Basquiat et Frida Kahlo. Après une première exposition en 2016 à Vanves, elle se lance, sans passer par une école d’art, en gardant sa liberté et sa singularité.
En 2017, elle est sélectionnée par Dior pour revisiter un sac qui sera vendu en édition limitée.
Retour sur le parcours d’une artiste plasticienne pour qui le « do it yourself » est un étendard.

Hello Betty. Tu es artiste-plasticienne autodidacte, tu n’es pas passée par le parcours classique des écoles d’art... Quel est ton parcours ?

Hello ! Je suis née à Issy-les-Moulineaux, j’ai 26 ans et je vis à Malakoff (92). J’ai suivi une filière générale au lycée Michelet de Vanves, et après mon bac littéraire option arts plastiques, je suis partie à la fac de Nanterre en psychologie... Ça a été très laborieux, je faisais du « tourisme scolaire »: j’y allais quand ça me chantait, je n’étais pas du tout épanouie. La plupart du temps je restais chez moi à peindre, à dessiner, à regarder tous les documentaires et les films possibles sur des artistes, des musiciens, des réalisateurs qui m’inspiraient. Depuis que je suis gamine, on me répétait que j’allais finir dans les arts plastiques. De toute façon, il n’y avait que ça qui me passionnait. J’étais fascinée par Picasso, Basquiat, Frida Kahlo, Van Gogh, Jamie Reid. J’adorais l’histoire des arts, j’écumais les musées de Paris avec mes parents. Au lycée, c’était le street-art et le graffiti, j’étais carrément obsédée. Je prenais des photos de graff, de tags et d’œuvres tout le temps…encore aujourd’hui, j’avoue je suis un peu chiante avec ça, mes amis et mes parents n’en peuvent plus haha. Au final, personne n’était vraiment étonné que je choisisse cette voie. Je crois que pendant longtemps j’étais dans le déni de mes capacités parce que c’était un peu le rêve inavouable : « je veux être artiste ! ». Il y a un côté assez effrayant mais terriblement attirant ! Aujourd’hui cela doit faire 4 ans que je me suis lancée. Le chemin est encore long, c’est sur, mais pour l’instant j’ai vécu de très belles choses et rencontré des personnes incroyables grâce à mon travail. Je suis très reconnaissante de ce que j'ai pu réaliser jusqu'à présent.

À quel niveau d’études t’es-tu arrêtée ? Qu’est ce qui t’a poussée à être autodidacte dans le milieu de l’art ?

Je me suis arrêtée en troisième année de licence de psychologie, c’était en 2016. Cette même année j’ai eu droit à ma première exposition à Vanves, puis mes premières performances artistiques. De là, je me suis dit que quelque chose était en train d’évoluer, de grandir et j’ai eu l’envie de m’y jeter corps et âme. Je n’ai pas voulu passer par la case école d’art, car j’avais le sentiment qu’on allait me freiner, me modeler, changer ma perception artistique, mes gouts, mes envies, mes inspirations et m’obliger à créer selon des règles. Bref, je ne voulais pas être formatée par un enseignement académique. J’ai horreur qu’on me dise quoi faire concernant mon processus d’inspiration et de création. La liberté et l’individualité sont deux notions qui me sont chères quant à mon travail artistique, et être autodidacte me permet de réunir ces deux états et d’être 100% moi-même. Moi, avec mes inspirations très éclectiques , mes techniques pas parfaites et mes références improbables.

Quels sont, selon toi, les aspects positifs et négatifs à ne pas faire d’école d’art « reconnue »?

Selon moi les aspects positifs à ne pas faire d’école d’art résident dans le fait de pouvoir s’émanciper des conventions, des tendances, des codes académiques à respecter. Sortir du cadre de l’académie, c’est pour moi un large champ de possibilités en terme de liberté créative. Et tout ce processus d’apprentissage par soi-même est vachement intéressant et stimulant. Le point négatif est le regard des gens qui vont te dire, ou te faire ressentir, si tu es légitime ou pas. Comme si ton diplôme sorti tout droit des Beaux-Arts ou de je ne sais quel établissement te donnait la permission pour exercer ton art. J’ai encore du mal à comprendre cela.

Y a-t-il eu un événement marquant / un déclic / l’aide d’une personne (…), qui t’a permis de te lancer dans ce que tu fais aujourd’hui ?

Je crois que la première personne, au-delà de mes parents et de mes amis proches, qui m’ait mis la puce à l'oreille c’était ma prof d’arts plastiques au collège. Mme Berrings je m’en souviens ! En classe de 4ème elle a convoqué mes parents pour parler de tout ça, comme quoi il fallait me soutenir, m’encourager à créer, à continuer sur une voie artistique et que c’était très important pour mon épanouissement personnel. De là, j’ai commencé à envisager la chose. J’ai beaucoup aimé ma prof d’art au lycée aussi, Mme Labastille. Elle me soutenait beaucoup. Mais l’évènement vraiment marquant, qui a surpris tout le monde, c’était la collaboration avec Christian Dior y a deux ans. C’était une expérience tellement enrichissante, stimulante et inattendue. J’ai adoré !

En tant qu’autodidacte, est-ce que tu as la sensation de te lancer dans quelque chose de vertigineux/ambitieux, justement, pour palier au manque de diplôme ?

Palier au manque de diplôme ? Non pas du tout je n’ai pas cette impression. Mais ça reste quand meme un sacré un pari, ça c’est sur, ça peut vite donner le tournis.

Est-ce qu’il y a quelque chose que tu n’as pas pu faire à cause du manque de diplômes ?

Je ne crois pas, non. En tout cas jusqu’a présent.

Enfant ou adolescente, étais tu déjà attirée par le métier que tu exerces maintenant ?

Oh la oui, clairement ! Enfant j’étais toujours avec mes Crayola à la main. Adolescente, c’était les Posca. La sensibilité artistique était là tôt, mais c’est marrant parce que dans ma famille personne évolue dans le domaine de l’art. Je sais vraiment pas d’où ça vient. Cependant, je voyais le métier d’artiste comme quelque chose d’intouchable qui ne m’était pas permis. J’ai mis beaucoup de temps à comprendre que oui, je pouvais moi aussi me lancer dans cette aventure. Gamine et adolescente j’étais obnubilée par les artistes ou les musiciens au parcours atypiques voir chaotiques, ça me fascinait. Peut être qu’inconsciemment ça à joué sur mon parcours et mes choix je sais pas. Ce chemin est certes plus compliqué , c’est une sacrée bataille pour prouver que notre travail a autant de valeur qu’un artiste diplômé, mais c’est justement ce qui fait la force des autodidactes. Le fait de ne pas avoir la sûreté d’un ou de plusieurs diplômes nous poussent à aller au-delà de notre zone de confort et de ne pas lâcher l’affaire.

À l’école, est-ce que tu t’es sentie bien conseillée en terme d’orientation d’études ?

Je n’ai jamais vu de conseiller d’orientation ou ce genre de personnel. C’était plus les professeurs, de la primaire au lycée et même de fac, qui me cernaient très vite. Personne n’a bataillé avec moi sur mes choix scolaires. Justement tout le monde me poussait vers la filière artistique. De toute façon ils n’avaient pas le choix j’étais tellement nulle dans les matières scientifiques, ça m’intéressait mais alors tellement pas. Mon prof de maths en 1ère avait clôturé mon année avec comme appreciation « a fait de son mieux… » Je crois qu’elle était désoeuvrée par mon manque d’intérêt haha. Par contre après le bac quand je suis partie en psycho, personne n’a compris. Ma professeur d’arts plastiques et mon professeur de philo m’avaient prévenue que je ne tiendrais pas un semestre. Et ils ont eu raison. Mais je ne regrette pas du tout mon passage à l’université parce que c’est là-bas que j’ai réalisé qu’il n’y avait que l’art qui comptait pour moi et rien d’autre. J’ai eu la chance d’avoir des profs vraiment bienveillants, surtout au lycée. Bisou Michelet ! haha

Pour toi, comment sont vus les autodidactes en France ?

En France il y a toujours cette culture du diplôme qui est très palpable. Le diplôme va plus primer que sur tes compétences, du coup les autodidactes restent souvent dans l’ombre, et ne vont pas être pris au sérieux. On est un peu les outsiders de « l’art game » en fait. De plus, on est souvent rabaissé à des stéréotypes pas vraiment valorisant pour notre travail. C’est un statut très ambiguë. Mais je préfère en faire une force et avoir le « do it yourself » comme étendard.

Un mot de la fin ?

Oui, je prépare une prochaine exposition pour octobre prochain qui aura lieu sur Paris, elle sera très particulière...Voilà c’est teasé! haha. Et un grand merci à vous pour cette interview !!