DJ / Beatmaker

Younes Trackworks

DJ et Beatmaker

Marseille

Younes Trackworks - Les Autodidactes

Apprendre à entreprendre ce n'est pas quelque chose qui intéresse Younes, lui il veut entreprendre. Mal orienté après le collège, il ne se laissera jamais abattre, peu importe les obstables sur son chemin : il veut réussir. Malgré une maladie qui l'affaiblit physiquement et moralement, il puise dans son vécu pour créer sa propre musique, son univers. Younes est aujourd'hui DJ et Beatmaker, en apprenant tout seul, en créant son propre studio et surtout en se laissant guider par sa grande curiosité.
Récit d'un combattant.

Hello Younes. Tu es un vrai couteau suisse, hyperactif et autodidacte dans la musique. Pourrais-tu te présenter ? Quel est ton parcours ?

Je m’appelle Younes, j’ai 25 ans, je fais de la musique depuis 8 ans. J’ai toujours été un rêveur et c'est ce qui a un peu ruiné ma scolarité. J’ai grandi à Marseille, à la Belle de Mai plus exactement, j’ai toujours voulu savoir ce qui se passait ailleurs, je savais qu'il y avait un monde qu’on me cachait. À mes 16 ans, mon grand cousin qui travaillait dans le monde du Street-Art et du post-graffiti, a ouvert sa première galerie et là j’ai un peu tout lâché pour aller l’aider. Un soir il m'a emmené avec lui, et on a fait 2-3 vernissages dans la même soirée, il m’a présenté plein de gens, j’ai découvert un autre monde et je me suis dis « ok, c’est là que je veux évoluer ». Je ne savais pas encore que c’était la musique, j’avais encore quelques doutes, ce qui n’était pas une évidence au début, l'est devenu avec le temps.

À quel niveau d’études t’es tu arrêté ? Qu’est-ce qui t’a poussé à être autodidacte dans le monde de la musique ?

Je ne suis pas fait pour le système scolaire, quand quelque chose ne m’intéresse pas, je n’arrive pas à me concentrer. Je voulais entreprendre, pas apprendre à entreprendre, j’ai donc pris les devants. Il y a des gens qui sont faits pour les études, moi je préfere apprendre sur le terrain. J’ai arrêté l’école au lycée, je me suis essayé à plein de choses sans forcément aller au bout. En sortant du collège, on m’a orienté en CAP PRO ELEC, je pense qu’on voulait se débarrasser de moi. J’ai demandé ensuite à être en CAP DECG (Dessinateur d'exécution en communication graphique) j’ai tenu 6 mois. J’ai par la suite eu des soucis de santé, j’ai dû rester quelques mois a l’hôpital, on m'a diagnostiqué la maladie de Crohn, c’était un peu compliqué. À cette époque, cette maladie n'était pas vraiment commune, c’est un peu plus connu maintenant c’est cool d’ailleurs. J’ai toujours pris cette maladie comme une force, comme un moteur, mon V8.

Tu as l’air très autonome et indépendant dans ta manière de créer. Est-ce que tu sens que c’est apprécié ou au contraire, pas toujours bien vu dans le milieu de la musique ?

J’ai la chance d’avoir mon propre studio, j'ai toujours voulu être indépendant pour pouvoir être créatif sans rien devoir à personne. C’est important d’avoir son espace à soi, ses repères, si j’ai envie d’y rester 3 jours non-stop, personne ne pourra rien me dire. Ça me permet d’être plus productif et de travailler plus vite. Je ne fais pas de la musique pour faire de la musique et je ne veux pas me limiter à la musique telle qu’on peut la consommer en album ou en single. Je veux collaborer avec des réalisateurs, des Youtubeurs, des gens de la pub... C’est ma ligne directive. J'ai conscience qu'il y a plusieurs chemins, un très long, un très court et un chemin avec des embuches. Ce chemin ne t'emmènera peut-être pas directement là ou tu veux aller, tu te feras pleins de potes en route et tu devras faire face à des problèmes que tu n'aurais même pas pu imaginer. C'est ce chemin qui me stimule. J'ajouterai une chose : surtout n’aie pas peur de ce que tu ne connais pas.

Quels ont été les aspects positifs et les aspects négatifs que tu as pu rencontrer dans ton parcours, en tant qu’autodidacte ? Pour toi, quelles sont les qualités d’un autodidacte comparé à quelqu’un qui a suivi un parcours plus classique ?

L’aspect positif, c’est que j’ai ma propre manière de parler, mes propres codes. Je veux collaborer avec des gens, le rapport Patron / Employé ne m'interesse pas. Un autre aspect positif, étant donné qu’on n'a pratiquement aucun code scolaire, on dit les choses comme on les pense, sans forcément avoir de retenu. En point négatif, je dirais que l'on met beaucoup d’affect dans le travail, on donne tout, et cela peut nous couter cher. On est tellement concentré dans le travail, qu’on en oublie les gens qu’on aime. Et ça peut briser une relation, les liens familiaux, des amitiés... Nous sommes très durs avec nous-mêmes, moi par exemple pendant mes jours de repos, je culpabilise de ne rien faire, et je check toujours mes mails, ou je prépare un nouveau projet.

Quels sont, selon toi, les aspects positifs et négatifs à ne pas avoir fait d’école dans ton domaine ? Est ce qu’il y a des écoles reconnues par l’État dans ton domaine, ou pas tant que ça ?

Je ne regrette rien de ma scolarité, enfin peut-être que j'aurais dû être un peu plus attentif en cours de Français pour l’orthographe. J’ai entendu parler d’école de Sound Design, de DJ, ou de MAO même, mais personnellement je ne vois pas l’intérêt. Si tu lis ce papier et que tu as envie de faire de la musique mais que tu ne sais pas comment faire, je te conseille d'aller voir de toi-même. Lis, écoute, regarde des tutos, imprègne toi de tout ce qui t’entoure et transforme le en musique, et le plus important : sois curieux, le reste on s’en fout.

Y a-t-il eu un événement marquant / un déclic / l’aide d’une personne (…), qui t’a permis de te lancer dans ce que tu fais aujourd’hui ?

On décide tout seul mais je pense qu'il faut toujours quelqu’un pour nous montrer la direction. Quand j’étais plus jeune, mon cousin Tito m'a montré la direction à prendre. « Jamais dans la tendance mais toujours dans la bonne direction » c'est ce qui le résume plutôt bien, il m'a briefé et j’ai beaucoup appris à ses côtés. Il a ouvert sa deuxième galerie, il a eu aussi un espace éphémère, avec une galerie à l’intérieur et des ateliers d’artistes. Grâce à lui, j’ai pu rencontrer des artistes internationaux et je l’aide quand je peux à la galerie, avec le temps j'ai compris qu'il n'y a rien de plus important que la famille. J’ai rencontré plein d’autres personnes géniales, c’est super important de parler aux gens même si on ne les connait pas. Plus jeune, j’étais fan de l’émission « j’irais dormir chez vous », ma curiosité doit venir de là. J’ai aussi la chance d’avoir les mêmes amis depuis la 6ème, j'ai gardé le même groupe, certains se sont mariés, d’autres ont déménagé mais on s’est fait la promesse de réussir chacun de notre coté. Plus jeune, on a eu des longues discussions en bas du bloc, les soirs de ramadan jusqu’à 5h du matin parfois. Maintenant mes frères son ingénieurs, traders, d’autres ont décidé de partir vivre à Londres avec leur femme je suis fier d’eux. C’est ce qui nourrit ma musique, c’est ce qui m'a construit et qui me donne la force de continuer.

En tant qu’autodidacte, est-ce que tu as déjà eu la sensation de t’être lancé dans quelque chose de vertigineux/ambitieux, justement, pour pallier au manque de diplôme ?

Le diplôme n’a jamais été une finalité pour moi, je n’y pense même pas. Mon diplôme : c’est mon CV. C’est très français ce complexe de ne pas être diplômé, le but du jeu c’est d'y arriver, avec ou sans diplôme que le meilleur gagne, plus sérieusement, le diplôme n’est pas une fin en soi.

Est ce qu’il y a quelque chose que tu n’as pas pu faire à cause du manque de diplômes ?

Non, je n'ai jamais eu ce problème.

Enfant ou adolescent, étais tu déjà attiré par le métier que tu exerces maintenant ? Penses tu que ce que tu as vécu dans ton enfance-adolescence t’a aidé à avoir ensuite un parcours atypique, sans diplôme, ou pas du tout ?

Mes expériences du passé, mon entourage ont fait la personne que que je suis. Il y a 5 ans, sur mon lit d’hôpital, j'ai eu plein des idées que j’essaye de retranscrire aujourd'hui dans ma musique. Quand j’ai des pannes d’inspiration, je vais voir mes frères et je reste un peu en bas au quartier et quand je retourne au studio l’inspiration est de retour. Quand je doute sur une idée ou autre je vais voir mon cousin et on en parle. En cours de route, j’ai rencontré des personnes comme Chris, créateur de la chaine Hyconiq Mag, c’est une personne qui m’inspire actuellement, il a un vrai parcours et une grande aura, c’est une des personnes qui croit en moi en ce moment. Quand j’ai coup de mou, je l’appelle et il a souvent les bons mots pour me remettre d'aplomb.

A l’école, est-ce que tu t’es senti bien conseillé en terme d’orientation d’études ?

Je pense que tu voulais dire conseiller de désorientation ?

Pour toi, comment sont vus les autodidactes en France ?

Des gens pasionnants avec une vrai histoire personnelle mais qui savent faire face à toute les situations

Un mot de la fin ?

Quand j’étais jeune que j’étais un jeune DJ, j’appelais tous les évènements de sport extrême pour mixer et vous ne pouvez même pas imaginer le nombre de refus que j'ai encaissés. Personnellement, je vois tout ça comme un combat de boxe je n’ai pas le droit d’échouer, malade ou pas, je dois réussir. Je suis seul, c’est moi contre moi dans l’histoire. Des fois j’aurais préféré ne pas avoir tout ça et avoir une vie simple avec une femme, un petit appartement, un travail stable, une petite routine. Quand t’es un autodidacte, ce qu'il ne faut pas oublier c’est de toujours apprendre. C’est super important de ne pas oublier d’apprendre, de rencontrer de nouvelles personnes et de ne pas avoir peur de l’inconnu.