D.A / Réalisateur

Thibaut Buccellato

Directeur Artistique / Réalisateur

Paris

Thibaut Buccellato - Les Autodidactes

Directeur artistique autodidacte, Thibaut Buccellato s'est fait sa place dans le monde de l'entreprise pendant 5 ans, sans diplôme. Après un passage à l'université qu'il ne termine pas, il apprend son métier sur le terrain. En parallèle à ses années de direction artistique, il apprend le métier de réalisateur, "en faisant", sans passer par une école. En 2012, à l'âge de 20 ans, il remporte le prix de la meilleure réalisation au 48h Film Project de Paris avec Réminiscences puis réalise Je suis une rencontre qui obtient le prix des écoles au Festival Nikon. En 2016 son nouveau court-métrage sur le célibat, The space between us, totalise plus de 100 000 vues. Il réalise également The universe and me, basé sur un texte original de Daniel Tammet et lu par Stéphane Foenkinos.
Il témoigne.

Salut Thibaut. Tu as commencé une Fac de cinéma dans laquelle tu n’allais jamais, et, sans diplôme, tu as réussi à devenir directeur artistique ? Pourrais tu te présenter ? Quel est ton parcours ?

Bonjour ! Effectivement, j’ai toujours voulu faire du cinéma, à 11 ans je me suis acheté un caméscope avec toutes mes économies et j’ai fait durant toute mon adolescence des courts-métrages dans mon jardin ou dans les rues de ma ville de banlieue. Les acteurs étaient mes frères ou mes amis, et je faisais le scénario, la réalisation, le montage... Déjà à ce moment j’apprenais en faisant. Puis après une option cinéma au lycée j’ai commencé une licence de cinéma à Paris VIII, déjà car je ne pouvais (et voulais) pas payer une école de cinéma et car je préférais faire des stages et mes courts-métrages à côté. Plus le temps passait et moins j’allais en cours. J’ai fait des stages en post-production, sur des tournages et surtout en production publicitaire. Dans l’une de ces boites je faisais de la production mais aussi un peu de direction artistique car la directrice artistique était à côté de moi et apparemment je m’en sortais et elle me demandait de plus en plus de l’aide. Puis après mon stage, à 21 ans, elle est revenue vers moi pour me prendre en assistant. Je ne connaissais même pas indesign, le logiciel que j’utilise au quotidien mais elle m’a fait confiance et m’a dit que j’apprendrais en faisant. Puis quelques mois plus tard elle a démissionné et petit à petit je suis devenu directeur artistique avec mon propre assistant et stagiaire. J’y suis resté 5 ans et j’ai démissionné il y a quelques mois pour continuer en freelance et pouvoir me consacrer à la réalisation (que je continuais en parallèle mais sans trop pouvoir me focaliser dessus).

Au final, selon toi, qu’est ce qui t’a poussé à être autodidacte dans ce domaine ? Est-ce que tu sens que c’est vraiment le hasard de la vie, ou bien est-ce qu’au fond il y avait une vraie envie d’apprendre par toi-même ?

Je crois que le fait de commencer très jeune et d’avoir ce rêve depuis tout petit m’a poussé inconsciemment à vouloir aller vite, quitte à être directement sur le terrain sans vraiment avoir appris. Je me rendais bien compte que j’apprenais même mieux sur le terrain, et que c‘était d’ailleurs plus cool. J’ai pourtant une nature assez scolaire et j’étais même assez bon en cours mais pour ma passion j’avais envie de faire et pas juste d’écouter des gens parler. Surtout pour ce genre de métier qui est très pratique. Pour la direction artistique, il y a eu une part de hasard car je ne connaissais même pas ce métier avant de le faire.

Quels ont été les aspects positifs et les aspects négatifs que tu as pu rencontrer dans ton parcours, en tant qu’outsider ?

Je pense qu’il y a une certaine curiosité et peut-être excitation positive à voir arriver quelqu’un sans diplôme. J’ai en tout cas perçu ça de manière positive. J’imagine qu’il peut aussi y avoir l’effet inverse mais pour moi cela a été plutôt positif, et bien accueilli avec beaucoup de bienveillance.

Quels sont, selon toi, les aspects positifs et négatifs à ne pas avoir fait d’école dans ton domaine ?

Le fait d’apprendre sur le tas permet d’avoir une fraicheur je pense, de ne pas être bloqué par certaines choses techniques ou « scolaires ». Évidemment au début tout est plus long, il faut être très patient et persévérer.

Par rapport à ceux qui sont sortis de grandes écoles dans ton domaine, est-ce que tu t’es senti en décalage, à un moment donné, ou, au contraire, pas du tout ?

Dans mon cas, évidemment la mise en page, le graphisme, les connaissances « techniques » du logiciel était un vrai manque que les autres d’écoles avaient. Mais pour toute la partie recherche d’images, ou juste créative je me sentais autant à niveau.

Y a-t-il eu un événement marquant / un déclic / l’aide d’une personne (...), qui t’a permis de te lancer dans ce que tu fais aujourd’hui ?

Je pense que ça vient du fait de vouloir très tôt faire du cinéma et d’avoir l’impression qu’il faut aller vite, d’être sur le terrain vite, de faire des stages plutôt que des études. Et suite à un stage je me suis retrouvé à découvrir un métier et à être embauché.

En tant qu’autodidacte, est-ce que tu as déjà eu la sensation de t’être lancé dans quelque chose de vertigineux/ambitieux, justement, pour pallier au manque de diplôme ?

Tout s’est fait très naturellement en fait, je ne me suis jamais vraiment rendu compte de ce que je faisais, j’avais juste une passion et je l’ai suivi et ça m’a mené à rencontrer des gens, des entreprises, etc... Et j’ai eu de la chance d’être tombé sur de bonnes personnes.

Est ce qu’il y a quelque chose que tu n’as pas pu faire à cause du manque de diplôme ?

Certaines écoles demandent effectivement un Bac+2 et je ne pouvais donc pas essayer.

Enfant ou adolescent, étais tu déjà attiré par le métier que tu exerces maintenant ? Penses-tu que ce que tu as vécu dans ton enfance-adolescence t’a aidé à avoir ensuite un parcours atypique, sans diplôme, ou pas du tout ?

Oui, j’ai toujours été très passionné par le cinéma et toujours voulu réaliser. Le fait de faire mes films chez moi en apprenant, en faisant, m’a montré que je pouvais me débrouiller seul. Cette passion m’a aussi poussé à avancer vite et à aller sur le terrain rapidement. Le fait d’avoir gagné des prix avec certains de mes courts assez jeune (au festival Nikon, ou au 48h film project) m’a aussi conforté dans cela.

À l’école, est-ce que tu t’es senti bien conseillé en terme d’orientation d’études ?

Lorsque je parlais de cinéma, on me disait en général, Université ou école privée. Je n’avais pas les moyens pour une école privée et je n’ai en fait jamais été très interessé par cela. Mais le fait de côtoyer des gens qui étaient du milieu très jeunes (dès le lycée) m’a aidé à comprendre que les stages, et l’experience étaient plus importants que la formation. Quitte à passer trois ans à dépenser des milliers d’euros autant le faire en faisant des projets et en rencontrant des gens du milieu. J’ai toujours pensé ça et au final, à 21 ans au lieu de sortir d’une école avec 21000 euros en moins sur mon compte en banque, j’avais un CDI dans une boite de production et même plusieurs courts-métrages sur mon site et quelques prix.

Pour toi, comment sont vus les autodidactes en France ?

De manière générale je ne sais pas trop, j’ai toujours vu ça de manière positive. Je pense que beaucoup de gens voient ça très bien. Évidemment d’autres (ceux qui sont passé par la case étude) vont tout de suite voir ces gens de haut. Évidemment tout dépend du secteur, et dans le domaine de l’art je trouve ça tout à fait normal et intéressant d’être autodidacte. Mais certains domaines ne se prêtent pas à ça et demandent des études évidemment.

Un mot de la fin ?

Xavier Dolan, qui évidemment reste un modèle lorsque l’on parle ambition et lors de la remise de prix au festival de Cannes pour son film Mommy il avait dit : « Tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais », et je crois que c’est comme ça que je vois aussi les choses. Et sinon, mon travail est sur mon site et j’aime bien aussi les couchers de soleil.