Illustratrice

Nadieh Ramezanizadeh

Illustratrice

Brest

Nadieh Ramezanizadeh - Les Autodidactes

Le dessin est le moyen d'expression préféré de Nadieh Ramezanizadeh, mais c'est dans le mileu du travail social qu'elle se lance juste après son bac ou elle est exerce le métier d'éducatrice de jeunes enfants. Une expérience enrichissante pour Nadieh qui est convaincue de la portée de l'illustration. Jeune autodidacte, elle nous raconte son parcours.

Hello Nadieh. Tu es illustratrice autodidacte, tu n’es pas passée par le parcours classique des écoles d’art. On te laisse te présenter ? Quel est ton parcours ?

Bonjour ! Je m’appelle Nadieh, je suis illustratrice autodidacte officiellement lancée depuis cet été et effectivement je ne suis pas passée par le parcours classique. Le dessin a toujours occupé une place importante dans ma vie, ça a été et reste un de mes premiers moyens d’expression. J’ai pris conscience que cela pouvait devenir mon métier en entrant au lycée et en découvrant les programmes d’arts plastiques et d’arts appliqués mais j’ai vite abandonné cette voie trop multiple pour moi qui ne m’intéressait vraiment qu’au dessin. L’aspect démarchage du métier m’intimidait aussi beaucoup, j’avais entendu qu’il fallait savoir se vendre, ce que j’apparentais à l’époque à de l’orgueil, et que c’était un milieu difficile donc inaccessible pour une ado pas très confiante en elle-même.

À quel niveau d’études t’es tu arrêtée ? Qu’est ce qui t’a poussée à être autodidacte dans le milieu de l’illustration ?

Finalement après mon bac je me suis orientée vers le travail social, au grand dam de mes professeurs. J’ai suivi une formation professionnelle de trois ans et suis devenue éducatrice de jeunes enfants, un autre métier essentiel et peu valorisé. J’ai choisi cette formation pour sa réalité d’action concrète pour le changement social et l’importance qu’elle donne au bien-être des enfants et de leurs parents. J’ai eu la chance de me former dans une école qui mettait l’accent sur la créativité, nous avons eu droit à trois semaines entières d’apprentissages auprès d’artistes et j’ai pu y découvrir entre autre la bande dessinée. En évoluant dans le métier de la petite enfance je me suis ouverte au domaine très riche de la littérature jeunesse et j’ai pris conscience d’une nouvelle dimension de l’illustration : elle est vectrice de valeurs, de messages, qui ont une part active dans le développement de l’image de soi et du monde. Elle est donc un outil formidable pour l’éducation, la sensibilisation, la favorisation de valeurs qui me sont chères comme l’égalité de genres, la reconnaissance et le respect de la diversité, la coopération et la créativité. J’ai pris conscience qu’en tant qu’illustratrice je peux participer à cet effort et à la transformation de notre culture, en créant et co-créant des projets qui transmettent ces valeurs en les ancrant à la fois dans l’imaginaire et dans la réalité de chacun. L’illustration me permet de participer à l’expression de multiples réalités.

Quels sont les aspects positifs et négatifs que tu rencontres dans ton parcours, en tant qu’autodidacte ?

Pour l’instant, mon parcours est encore récent, les éléments de défis sont surtout liés à la complexité de l’administration. Être autodidacte et indépendant est très différent de ce que j’ai pu vivre en tant que salariée, maintenant je suis ma propre patronne donc je gère aussi tout ce qui est charges sociales, devis et factures, déclarations …etc. J’apprends sur le tas à fixer mon tarif, la valeur que j’accorde à mon travail et à m’y tenir peu importe le discours du client en face. L’illustration est, comme beaucoup de métier artistiques, considérée comme une passion et il est difficile de justifier les tarifs auprès de la majorité des gens, surtout lorsqu’on n’a pas de diplôme. L’avantage c’est que ça pousse à se forger une véritable confiance en soi et à faire le tri dans les projets. En me lançant j’ai rencontré une communauté d’illustrateurs autodidactes encourageante, soutenante sans qui ces premiers mois auraient été beaucoup plus difficiles. Savoir qu’on est plusieurs à partager cette réalité et voir l’évolution des autres, leurs projets se concrétiser est très motivant !

Quels sont, selon toi, les aspects positifs et négatifs à ne pas faire d’école d’art « reconnue »?

Je pense que le principal élément négatif ne vient pas de l’absence de diplômes mais de la culture sociale actuelle qui met toute la valeur d’une personne dans ce bout de papier. Les diplômes peuvent être des valeurs ajoutées, ils sont un aspect de la réalité éducative d’aujourd’hui mais pas toute la réalité : le développement des connaissances et des compétences ne passe pas que par l’école et heureusement, puisque le système éducatif est très loin de convenir aux besoins de tout le monde. Cette culture entraîne des syndromes de l’imposteur, cette conviction que sans diplôme criant notre valeur, notre travail ne mérite pas de reconnaissance. Or c’est faux et surtout subjectif, l’art de l’illustration est diverse et chacun peut y trouver ce qui lui convient, diplôme ou non. Il me semble aussi important de faire la différence entre diplôme et formation, même sans diplôme je continue d’apprendre continuellement pour me perfectionner dans le métier que j’ai choisi. Un deuxième aspect qui peut paraître négatif est de ne pas avoir accès au réseau professionnel qu’offre une école reconnue. Personnellement je préfère me concentrer sur le réseau que je créé aujourd’hui grâce à ma réalité d’autodidacte, qui n’est certes pas le même mais qui me permet de trouver du travail et de rencontrer des gens possédant les mêmes valeurs et la même vision que moi.

En tant qu’autodidacte, est-ce que tu as la sensation de te lancer dans quelque chose de vertigineux/ambitieux, justement, pour palier au manque de diplômes ?

Pas du tout ! Parfois en voyant le travail de certains artistes que j’apprécie et qui sont élèves d’école d’art je suis un peu envieuse, et ensuite je me souviens que tout ce qu’ils apprennent je peux l’apprendre aussi en me donnant les moyens. Aujourd’hui la connaissance est à portée de main, via internet, des sites comme Skillshare, les vidéos par exemples de dessin vivant de CroquisCafe. Il existe aussi énormément de livres et les écoles proposent des stages auxquels je peux faire le choix de participer. Je pense qu’en tant qu’autodidacte je me responsabilise et j’avance à la mesure de mes capacités tout en me lançant des défis : ça me permet d’apprendre à mieux comprendre et connaître ma façon de travailler, à identifier ce qui me porte réellement dans le métier et dans les projets qu’on me propose ou que j’initie.

Est-ce qu’il y a quelque chose que tu n’as pas pu faire à cause du manque de diplômes ?

Aujourd’hui le manque de diplômes n’a jamais été un frein ailleurs que dans mon propre esprit !

Enfant ou adolescente, étais tu déjà attirée par le métier que tu exerces maintenant ? Penses-tu que ce que tu as vécu dans ton enfance-adolescence t’a aidé à avoir ensuite un parcours atypique, sans diplôme, ou pas du tout ?

J’ai déjà donné quelques réponses à ce sujet dans la toute première question, mais non je ne pense pas que ce que j’ai vécu adolescente m’ait aidée en ce sens, au contraire. Jusqu’il y a encore un an, j’étais persuadée que j’avais besoin d’entrer en école pour faire ce métier et je faisais les démarches pour être acceptée en formation d’illustration. Les contenus de ces formations est attrayant, souvent de très bonne qualité et l’environnement d’école peut apporter un certain confort. Cependant c’est aussi une réalité de trois ans minimum à retourner en classe alors que j’ai connu le milieu du travail, de dépenses importantes puisqu’aujourd’hui il est difficile d’avoir accès à ces formations sans payer de fortes sommes, pas beaucoup plus de garantie de travail en sortant de formation. Avant de faire le choix de me lancer sans formation je me suis renseignée auprès d’illustrateurs et d’illustratrices déjà bien installés et finalement beaucoup témoignaient de la non nécessité de suivre un cursus classique dans le domaine. En étant autodidacte j’ai découvert une certaine liberté, j’apprends ce que j’ai besoin d’apprendre au moment où j’en ai besoin. Je développe ma capacité à demander du soutien et de l’aide aux personnes qui ont plus de compétences ou de connaissances que moi. Cela reste un choix très personnel lié à ma réalité évidemment.

À l’école, est-ce que tu t’es sentie bien conseillée en terme d’orientation d’études ?

Une des raisons qui fait que je n’ai pas suivi de formation spécialisée dans l’illustration est le manque d’information et de valorisation autour de ce métier pourtant omniprésent dans notre quotidien. Le corps enseignant et les conseillers d’orientation encourageaient surtout à me diriger vers l’université pour y suivre un cursus de lettres ou de langues, selon eux plus propices à trouver un métier plus tard (ce qui est très ironique vu le manque de débouchés à la sortie de la Fac).

Pour toi, comment sont vus les autodidactes en France ?

Vaste question ! Culturellement en France pour trouver du travail il est plus important d’avoir un diplôme que les capacités dont il témoigne. C’est assez paradoxale, le fait de « se construire seul » est valorisé, créer son entreprise en partant de rien est applaudi mais seulement dans les domaines reconnus comme socialement acceptables et utiles, seulement si cela est accompagné d’un diplôme et rapporte suffisamment d’argent pour être « installé ». C’est une culture qui change heureusement, je pense que la réalité sociale d’aujourd’hui entraîne une prise de conscience que notre valeur dépasse ce que le système actuel veut bien nous accorder et qu’il existe différentes façons de servir la société en étant heureux et en se respectant, être autodidacte peut être l’une d’entre elles.

Un mot de la fin ?

Il y a autant de façons d’être autodidacte qu’il y a d’individus ! Etre autodidacte pour moi n’est pas une injonction à se reposer sur ses acquis, au contraire, c’est écouter l’élan qui nous pousse à apprendre en dépassant le cadre pré-établi, en le questionnant. Ce n’est pas non plus une solution qui convienne à tous et qui soit meilleure qu’un cursus plus classique de formation. J’ai travaillé dans les deux milieux (diplômé et autodidacte) et avec des professionnels de ces deux horizons, et chaque réalité, chaque parcours, apporte une plus-value à la collaboration. Ce qui est essentiel c’est de suivre ce qui nous convient le mieux pour notre épanouissement et l’épanouissement de notre société que l’on partage de toute façon ! Aujourd’hui je collabore sur des cartes illustrées sur l’utilisation du Pilates dans notre quotidien, je co-créé également une série d’albums jeunesses permettant d’aborder dans le respect divers sujets avec les enfants (diversité d’origines, la mort, les émotions…etc). Je travaille sur des contes illustrés et parfois mis en scène autour de l’écologie et la coopération sociale. C’est ce qui fait sens pour moi ! Créer et co-créer des projets souvent pluridisciplinaires qui participent activement à l’évolution individuelle et collective.