Ingé. son

Jeremy Dunne

Ingénieur son

Toulouse

Jeremy Dunne - Les Autodidactes

Jeremy Dunne est autodidacte dans le milieu de la musique. Passionné depuis son enfance, c'est sur le terrain qu'il décide d'apprendre en grandissant. Il travaille directement pour des studios d'enregistrement. En parallèle, son envie de montrer les coulisses des studios, le pousse à s'intéresser à la vidéo et à réaliser From Play to Rec. Une série documentaire sur son domaine. Il apprend alors tout seul, de l'écriture documentaire au montage.
Retour sur le parcours d'un grand débrouillard.

Hello Jeremy, tu travailles dans le milieu de la musique et de la vidéo, pourrais tu te présenter ? Quel est ton parcours ?

Bonjour ! En effet je travaille tantôt sur des projets sons, tantôt sur des projets vidéos mais toujours sur des projets musicaux. Mon parcours a commencé comme la plupart des gens. Passionné de musique depuis mon enfance c’est assez naturellement que j’ai continué sur cette voie. Ça a commencé par la pratique d’instruments, puis j'ai enchaîné les stages et les petites expériences de technicien son. J’ai commencé à m’intéresser à l’enregistrement, aux techniques de mixage et à ces choses là. De fil en aiguille j’ai commencé à me faire embaucher sur des petits événements jusqu’à ce qu’un jour on me propose d’intégrer un studio d’enregistrement. Je me suis dit que ça serait super, j’avais l’occasion d’intégrer un studio professionnel, d’être formé sur place en étant le seul apprenti, au lieu de me retrouver au milieu d’une classe de 25 élèves. J’ai fait ça pendant 4 ans, à travailler sur des projets de plus en plus variés, je sonorisais aussi 2 concerts par semaine minimum donc ça a été hyper formateur. Après ça j’ai travaillé pour d’autres studios d’enregistrement, d’autres boîtes de prestations événementielles. Puis j’ai commencé à imaginer une série documentaire qui retracerait le parcours d’une chanson de sa composition à son enregistrement. J’avais envie de montrer les différentes étapes de création que traversent les musiciens, les rôles de producteur, arrangeur, et réalisateur que les techniciens accumulent pendant l’enregistrement. C’est à partir de là que je me suis intéressé à la vidéo. J’ai commencé à écrire mes premiers scénarios de documentaires, à monter des partenariats, à réunir les équipes de tournage et le matériel. Jusqu’à finalement moi-même me mettre à faire du montage et apprendre en faisant ! Maintenant je continue de faire vivre ce projet et je réalise d’autres types de vidéos. Tout ça en parallèle du travail d’”ingénieur son”.

À quel niveau d’étude t’es tu arrêté ? Qu’est ce qui t’a poussé à être autodidacte ?

Alors c’est assez particulier...J'ai d'abord voulu suivre un parcours scolaire pensant que c’était la marche à suivre. J'ai même passé deux BAC différents parce que les établissements estimaient que le premier n’était pas le bon ! Au même moment où j’ai passé ce deuxième BAC j’avais eu le temps d’accumuler quelques expériences supplémentaires. J’avais aussi reçu une proposition de boulot dans un studio que j’avais refusée pensant que c’était trop prématuré. Mais une fois dans les études supérieures, je me suis assez vite ennuyé et l'ambiance un peu trop défaitiste des équipes pédagogiques m'a fait comprendre qu'ils étaient surtout là pour nous orienter vers quelque chose de "stable". J’ai donc démissionné et accepté l’offre qui m’avait été proposée quelques mois plus tôt par un Studio. Le plus ridicule dans tout ça c’est que 6 ans plus tard, quand je me suis mis à faire de la vidéo j’ai fait la même chose. Je me suis lancé dans un BTS en alternance sur les métiers de la vidéo mais au bout d’un mois j’ai dû démissionner parce que je sentais que mes idées ne correspondaient pas à ce qui était attendu.

Quels ont été les aspects positifs et les aspects négatifs que tu as pu rencontrer dans ton parcours, en tant qu’autodidacte ? Pour toi, quelles sont les qualités d’un autodidacte comparé à quelqu’un qui a suivi un parcours plus classique ?

Je ne suis pas certain d'être ce qu'on appelle un autodidacte au sens strict du terme parce que j'ai eu plusieurs personnes sur qui m'appuyer, un peu comme une forme de “mentor”. Mais le premier obstacle qui me vient en tête c’est la réponse à la fameuse question: “Et t’as fait quelle formation?”. Là tu vois bien que les gens trouvent ça étrange. En revanche, les chefs d’équipes, souvent plus âgés que les autres techniciens, trouvent ça tout à fait banal et te disent “Ah t’es formé sur le tas, très bien !”. Question de génération peut-être ? Quand on décide d’apprendre et de faire les choses par soi-même, on a assez peu souvent l’occasion d’être encouragé pour ce qu’on fait. On est souvent confronté à des gens qui ne voient pas où on veut en venir donc il faut faire preuve de détermination pour se lancer malgré tout. Le côté positif de la chose, c’est qu’on n'a plus tellement peur de se lancer dans de nouveaux projets. Tellement habitué à ce que tout à l’air impossible au début. Une qualité propre aux autodidactes? Peut-être qu’ils sont moins paniqués face aux problèmes techniques, plus habitués à contourner les obstacles. À vrai dire je ne sais pas si c’est vrai, par contre je pense qu’ils refusent plus facilement les projets qui ne les intéressent pas pour se consacrer aux projets qui ont du sens pour eux.

Quels sont, selon toi, les aspects positifs et négatifs à ne pas avoir fait d’école dans ton domaine ? Est ce qu’il y a des écoles reconnues par l’Etat dans ton domaine, ou pas tant que ça ?

Je suis toujours en train d’apprendre ou comprendre des petites choses que j’aurais probablement apprises si j’avais suivi une formation. Mais ça n’est pas tellement un handicap tant que tu en es conscient. Il existe plusieurs formations en France pour ce que je fais, certaines sont publiques, d’autres privées.

Y a-t-il eu un événement marquant / un déclic / l’aide d’une personne (…), qui t’a permis de te lancer dans ce que tu fais aujourd’hui ?

C’était une initiative personnelle au départ. J’avais bien réfléchi, j’avais aussi dû en parler à un ami ou deux mais quand j’ai pris ma décision, j’ai mis ma famille devant le fait accompli.

En tant qu’autodidacte, est ce que tu as déjà eu la sensation de t’être lancé dans quelque chose de vertigineux/ambitieux, justement, pour pallier au manque de diplômes ?

Les choses ont quand même été assez progressives. Je ne me suis pas mis à faire de grands projets tout seul dans mon coin dès le début. J’ai d’abord appris les bases, j’ai été assistant, puis on m’a proposé des projets de plus en plus complexes jusqu’à ce que je me sente suffisamment à l’aise pour entreprendre mes propres projets de A à Z. J’ai toujours tout un tas de doutes, je me demande si certains projets sont pas trop ambitieux ou si il n’y a pas une raison pour que personne ne l’ait fait avant moi mais les risques sont quand même assez mesurés au final.

Est ce qu’il y a quelque chose que tu n’as pas pu faire à cause du manque de diplômes ?

Pas que je me souvienne.

Enfant ou adolescent, étais tu déjà attiré par le métier que tu exerces maintenant ? Penses tu que ce que tu as vécu dans ton enfance-adolescence t’a aidé à avoir ensuite un parcours atypique, sans diplôme, ou pas du tout ?

Je ne pense pas que ça ait eu une influence particulière sur mon parcours mais petit j’étais passionné de musique. J’ai grandi avec un parent musicien et ça m’a probablement poussé à continuer sur cette voie mais j’aurais aussi pu faire une formation comme tout le monde. J’espérais devenir musicien, puis, au fur et à mesure des années, les choses ont évolué et mon champ d’activités s’est élargi.

A l’école, est ce que tu t’es senti bien conseillé en terme d’orientation d’études ?

Pas tellement, après ce sont des corps de métiers tellement vagues pour la plupart des gens que je ne suis pas étonné de ce qu’ont pu me dire les professeurs à l’époque.

Pour toi, comment sont vus les autodidactes en France ?

Je pense qu’aux yeux de beaucoup de gens, ça reste une qualité de savoir se frayer un chemin soi-même vers ce qu’on veut faire. Tant qu’on a rien pour prouver ce qu’on sait faire, on passe un peu pour un charlatan, ce qui est compréhensible. Mais une fois qu’on a fait ses preuves, généralement ça met tout le monde d’accord.

Un mot de la fin ?

Le fait de parler de tout ça me rappelle à quel point il faut faire preuve de persévérance et rester positif. Oser se lancer et surtout continuer de créer par la suite ! Je me souviens qu’à l’époque où j’ai émis l’idée de faire de la vidéo, une personne m’a dit qu’il valait mieux que je m’en tienne au son. Que c’était pas possible de faire les deux ou que c’était mal vu par les pros. Et puis avec un peu de recul je me suis rendu compte que cette personne faisait la même chose depuis trop longtemps sans trop se poser de questions. C’est exactement ça que je cherchais à éviter. Si on s’entoure des bonnes personnes, on peut faire plein de choses. Être autodidacte, ça ne veut pas dire savoir tout faire non plus. C’est en confrontant mes idées aux gens autour de moi que j’ai constaté que certains projets résonnaient en eux. Et c’est en m’appuyant sur ces personnes que j’ai fait les premiers documentaires From Play to Rec, puis que je me suis décidé à faire d’autres projets étranges comme organiser une séance d’enregistrement publique dans une friche industrielle.